Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Pas dans les poches du baggy, ni de la veste. Romain retire son sac de son dos pour vérifier si sa carte magnétique ne serait pas là, mais il ne voit franchement pas pourquoi elle y serait ; elle n’y est effectivement pas. Il fait une grimace destinée à faire rire Juliette, puis se retourne vers la surveillante en haussant les épaules. C’est la troisième fois du trimestre, la prochaine fois, il faudra qu’il aille payer chez le CPE. Juliette passe sa carte. Il n’est pas prêt d’arriver le jour où elle oubliera quelque chose, celle-là. Elle lui fait remarquer qu’il est vraiment tête-en-l’air tandis qu’ils commencent à faire la queue pour le self-service. N’importe qui d’autre lui ferait la remarque, ça l’énerverait, mais Juliette dit toujours les choses en rigolant et il adore l’entendre rire. Ils ont essayé de sortir ensemble en début d’année, mais ils ont vite compris que ça ne fonctionnerait pas entre eux. Ils continuent à traîner ensemble, et Romain se sent comme un grand frère pour elle. Il attrape un plateau et lui donne. C’est fou ce qu’il est gentil ce garçon, se dit Juliette. Elle a connu beaucoup de types qui n’étaient bons qu’en apparence, mais Romain est une perle. Tant pis si ça n’a pas marché entre eux, elle espère qu’ils resteront toujours amis. Elle pose son plateau sur les barres en métal et tend le bras pour attraper le dernier friand au fromage. Une main aux ongles vernis l’attrape avant elle. C’est Christine. Juliette ne l’aime pas beaucoup, c’est pourquoi elle est étonnée que cette adepte du surmaquillage lui propose de lui laisser. Christine en est à sa quatrième tentative de régime du mois, la pastèque ne lui donnait vraiment pas envie, mais c’est tant mieux si Juliette peut lui éviter de succomber au friand. La seule du groupe a en avoir pris au final, c’est Mélodie. Elle n’est pas très prêteuse, mais Christine lui demandera quand même si elle peut lui en prendre un bout. Elle est un peu snob, Christine n’a jamais compris pourquoi elle fréquentait son groupe d’amies. Mélodie se retourne, elle a vu que Christine la reluquait et lui jette un regard désagréable. Christine le prend mal mais ne dit rien. Mélodie aimerait bien savoir pourquoi elle la lorgnait comme ça ; est-ce qu’elle a un épi ? Elle voudrait vraiment se faire accepter par le groupe, et elle met chaque matin un soin paranoïaque à être la plus remarquable possible. Malgré tout ça, elle a toujours l’impression de ne pas avoir réussi à s’intégrer, et ça l’angoisse. Parfois, quand elle a l’impression qu’il y a trop de sous-entendus à son égard, elle pique des crises de nerfs que personne ne comprend. Elle prend son plateau à deux mains et part chercher des places dans le réfectoire. Elle croise le regard d’Abdel. Elle fait mine de ne pas l’avoir vu. Ce garçon lui colle aux basques depuis la cinquième, mais il n’a jamais été fichu de venir lui dire ses sentiments en face. Elle trouve ça vraiment immature, et de toute manière, il n’est absolument pas son style. Elle a un épi. Abdel trouve que ça lui va bien. Tout lui va bien à cette fille. Il essaye de continuer la discussion avec Yoann et Henrique, il sait bien qu’ils ne se moqueraient pas de lui s’ils comprenaient pourquoi il a soudain du mal à se concentrer, mais il se trouve ridicule. Il aimerait lui déclarer sa flamme lors d’un événement extraordinaire, mais il ne lui est jamais rien arrivé d’extraordinaire dans la vie. Henrique lui demande si ça va. S’il réfléchissait un peu, il devinerait automatiquement pourquoi Abdel semble regarder dans le vide, mais son esprit est trop occupé par la bonne nouvelle qu’il veut annoncer à ses amis. Son oncle et sa tante lui ont proposé de venir avec des amis dans le Limousin. Depuis le temps qu’il leur parle de canoë-kayak, ils vont enfin pouvoir aller en faire ensemble. Il espère que son oncle acceptera aussi de les emmener derrière la cascade comme ils avaient fait tous les deux il y a quelques années sans le dire à sa tante. C’était magique. On entend un plateau qui tombe, tout le monde se met à applaudir, mais Abdel et Henrique se retiennent parce qu’ils savent que Yoann déteste qu’on le fasse. Narumi se baisse pour ramasser, elle est rassurée en voyant que rien ne s’est cassé même s’il y a une grosse rayure sur le verre. Elle a honte, surtout qu’elle ne sait pas pourquoi, mais ce n’est pas la première fois que le plateau lui échappe. Valérie lui prend l’assiette des mains et lui dit de ne pas y toucher alors que rien ne s’est renversé. Elle revient dix secondes plus tard, elle a été demander une autre assiette pour sa meuf. Elle a bien dit sa "meuf". Au début, Narumi voulait qu’elles soient discrètes, mais Valérie lui a dit qu’elle l’aimait trop pour l’aimer discrètement et que les autres n’avaient qu’à aller se faire foutre. Narumi aime Valérie plus que tout, alors elle se relève fièrement avec son plateau pour se donner l’air forte et ça fait rire Valérie qui n’est pas dupe mais ne dit rien. Les gouines font encore leur cinéma, dit Cyril à sa bande. Jérôme répond en hochant la tête sans trop savoir quoi dire. C’est vraiment des putes à tout le temps s’afficher comme ça, ricane Cyril. Jérôme aimerait rire avec lui mais il n’a jamais compris pourquoi Cyril commence à faire de longs monologues chaque fois qu’il voit Narumi et Valérie. Il s’y remet. Il explique que c’est une aberration contre-nature et qu’avec toutes les conneries qu’on autorise en ce moment, c’est le début de l’extinction de la race humaine. Depuis qu’il est passé chez lui pour lui emprunter des mangas, Jérôme s’est rendu compte que Cyril parle exactement comme son père. Il sourit un peu parce que sinon Cyril va se poser des questions. Ce dernier en profite pour montrer Soufiane du doigt, en disant que c’est vraiment du gâchis de passer son temps à traîner avec tout un tas de filles en étant une pédale. Soufiane parle avec Charlotte et Eshita, même s’il sait qu’Anne-Laure et Nathalie l’écoutent aussi. Il a des idées qui lui trottent dans la tête, mais il est très fort pour ne rien en laisser paraître. Lui aussi était convaincu qu’il était homosexuel, mais depuis qu’il a perdu sa virginité en couchant avec Charlotte et Nathalie en même temps à la soirée de cette dernière, il se pose tout de même quelques questions. Le lendemain, Nathalie lui avait répété de ne pas se prendre la tête, qu’il était peut-être bi, que c’était une chance parce que ça lui permettrait de connaître plus de choses dans la vie alors qu’elle, ça lui avait carrément donné envie de gerber lorsqu’elle avait embrassé Charlotte. Au fond, elle sait bien que Charlotte n’a fait ça que pour l’expérience, et espère donc désormais avoir vraiment des chances avec Soufiane. Un type avec la peau si mate et les yeux si clairs, elle ne peut pas se permettre de passer à côté. Il lui dit de se rapprocher de la table, elle se rend compte que Gaëlle veut passer pour aller ramener son plateau. Quelle phénomène, cette fille. Si Soufiane ne l’avait pas prévenue, Nathalie est sure qu’elle aurait pu rester plantée toute sa vie à attendre qu’elle bouge. Gaëlle avance lentement en regardant son plateau. Elle n’a presque rien mangé, mais c’est trop déprimant d’être seule à table. Depuis que Gilles a déménagé, elle n’a plus personne à fréquenter. Sa malformation à la bouche, ça ne semblait pas le gêner, il lui demandait juste de répéter de temps en temps. Les autres élèves, même quand ils essayent, elle sent bien qu’ils sont mal à l’aise. Stéphane l’interpelle. Il est assis avec ses amis, elle ne l’avait pas vu sinon elle aurait peut-être été demander si elle pouvait s’asseoir avec eux. Peut-être. Quand ils sont tous les deux, il n’a pas de soucis avec elle, mais elle sent qu’il ne sait pas comment réagir quand elle parle devant d’autres que lui. Il lui demande si elle compte aller au club de jeux de société après. Elle sent qu’il se force, qu’il lui demande devant ses amis pour se prouver à lui-même qu’il est sympa. Ça la touche, alors elle dit que oui et qu’elle les attendra là-bas. Stéphane sent que tous ses amis lui en veulent un peu d’avoir invité Gaëlle, mais qu’ils s’en veulent aussi beaucoup de lui en vouloir. C’est comme ça. Stéphane veut à tous prix qu’ils évitent de parler d’elle avec plein de sous-entendus maladroits comme d’habitude, alors il demande à Thibault pourquoi il a pris du canard alors qu’il est végétarien. Thibault répond qu’il n’y avait aucune assiette sans viande, que ça se pressait derrière lui et qu’il n’avait pas envie de faire chier tout le monde à demander une assiette spéciale. Il s’attend à ce qu’Olive se moque de lui, mais il vient de se lever, il est parti demander à Gaëlle si elle ne voulait pas rester avec eux plutôt que de les attendre toute seule dans la salle de jeu. Stéphane pense qu’il l’a fait pour se déculpabiliser, mais la vérité, c’est que même si Olive est gêné quand Gaëlle parle, il la trouve belle comme un cœur. Il se rend compte à temps que le cuisinier est en train de prendre le plateau de Gaëlle alors qu’elle n’a pas touché à sa glace, et demande s’il peut la récupérer. Le cuisinier la lui donne en s’exclamant que c’aurait bien été la première fois qu’il voyait arriver une glace même pas entamée. C’est vrai que tous les plateaux qui arrivent sont différents : certains prennent beaucoup et mangent peu, d’autres ne laissent pas une seule miette, certains croquent un peu dans tout mais ne finissent jamais quoique ce soit, d’autres ne touchent presque à rien, il y en a même qui semblent avoir déposé le plateau ici directement après l’avoir pris… Mais les glaces ne s’en tirent jamais.

Automatiquement - Canard - Pastèque
Un blog tout de noir et de blanc écrit par Kevin Langouët avec quelques petits bouts de codes de Jules